Le gisement d’or de Soko hanté: superstition ou véritable menace pour la communauté ?
Entre prophéties de ruine et promesses économiques, les habitants sont divisés et les violences se multiplient. Les autorités et les exploitants tentent de rassurer, mais la contestation populaire persiste, soulignant les défis complexes auxquels fait face cette communauté
Le Gisement d’Or de Soko est au cœur d’une polémique enflammée concernant son exploitation. Entre croyances ancestrales et réalités contemporaines, la situation est complexe et la violence est omniprésente dans cette localité, située à seulement 7 kilomètres de Bondoukou. Mais, la superstition qui prétend que des génies du village ont hanté ce gisement est-elle réellement fondée, ou l’utilise-t-on comme un prétexte pour d’autres préoccupations?
La superstition et les craintes locales autour du gisement d’or de Soko
À Soko, une vieille superstition suggère que des génies ont hanté le gisement d’or, rendant son exploitation dangereuse pour la communauté. Gnamankou, un habitant de Soko, résume cette croyance : « De nombreux anciens nous ont mis en garde contre l’exploitation de l’or à Soko. Ceux-ci prétendent que des génies ont hanté l’or de Soko. Par conséquent, l’exploitation de cet or expose le village à sa ruine ». De plus, il ajoute que les problèmes d’insécurité, déjà présents dans le village, pourraient s’aggraver avec l’arrivée de nouveaux orpailleurs, souvent accusés de semer le chaos et de faire la cour aux femmes mariées.
Conflit autour de l’exploitation du gisement d’or de Soko
Le mercredi 22 mai 2024, des habitants de Soko opposés à l’exploitation du gisement ont attaqué des travailleurs de la Société Coopérative simplifiée YAHOPIENOUNOU de Soko (SCOOPS YS). Armés de machettes et de gourdins, les assaillants ont fait plusieurs blessés, révélant l’intensité de la contestation. Cette opposition est en partie alimentée par la mémoire de l’ancien chef du village, Nanan Kobenan Benoît, qui avait prophétisé il y a 15 ans que l’exploitation de l’or mènerait à la décadence du village et à l’échec scolaire des enfants.
C’est pourquoi, Koffi Déré, surnommé Adama Kalé, demande que l’on conjure le mauvais sort avant de lancer l’exploitation : « Que fait-on aujourd’hui de toutes ses prédictions ? A-t-on conjuré le mauvais sort avant de vouloir exploiter aujourd’hui le gisement d’or de Soko ? ». Il soulève également des préoccupations économiques : « L’or contribue à la cherté de la vie partout où il est exploité. Déjà que les populations ont du mal à joindre les deux bouts, nous ne voulons pas en rajouter à leur souffrance ».
Le point de vue des autorités et des exploitants
Malgré ces craintes, le Ministère ivoirien des Mines a accordé une autorisation d’exploitation minière artisanale à la SCOPS YS le 23 février 2024. Cette autorisation, valable pour une durée de deux ans et renouvelable, couvre une parcelle de 24,44 hectares. Ouattara Abou Bakary, président du Comité de Gestion de la SCOPS YS, défend le projet en soulignant les bénéfices économiques pour la communauté : « La SCOPS YS se doit de respecter les engagements pris au profit de la communauté villageoise de Soko et du propriétaire terrien, tels que contenus dans le protocole d’accord ».
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Selon ce protocole, la répartition d’une partie des revenus de l’exploitation de l’or est la suivante : 200 francs CFA par gramme d’or pour le financement de projets de développement communautaire, 300 francs CFA pour la chefferie, 750 francs CFA pour le propriétaire terrien, 200 francs CFA pour la Mutuelle de Soko, et 100 francs CFA pour les projets des femmes et des jeunes.
En outre, Ouattara Abou Bakary rappelle qu’il a pris des mesures de sécurité pour pallier les risques liés à l’exploitation : « Nous avons prévu des mesures en vue de faire face à l’insécurité. J’ai aussi sollicité une protection policière afin de permettre à mes techniciens de travailler en toute quiétude dans les semaines à venir ».
Malgré les superstitions entourant le gisement d’or de Soko, le village connait un développement significatif. Les initiatives de l’Etat ont permis la construction de routes bitumées. En plus, deux collèges sont en cours de réalisation. Ces nouvelles infrastructures dans le village semblent balayer du revers de la main les croyances anciennes.
Gisement d’or de Soko : un avenir incertain
Malgré les promesses économiques et les assurances sécuritaires, la contestation populaire persiste. La question de savoir si des esprits ont réellement hanté le gisement d’or de Soko ou si les préoccupations sont principalement d’ordre social et économique reste ouverte. Les superstitions et les prophéties ancestrales continuent de jouer un rôle significatif dans la perception du projet par les habitants.
Ce conflit entre tradition et modernité, entre bénéfices économiques potentiels et craintes pour la sécurité et la cohésion sociale, fait de Soko un microcosme des défis auxquels font face de nombreuses communautés rurales en Afrique. Pour l’instant, l’exploitation du gisement d’or de Soko demeure une source de division et de violence. La résolution du conflit nécessite un dialogue ouvert et transparent pour trouver un terrain d’entente qui respectera à la fois les croyances locales et les besoins de développement économique. A lire aussi : Altercation entre Eto’o et le sélectionneur Brys, le football camerounais tourne au mélodrame.
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